Il faut le dire : l’Alsace, avec ses 15 000 hectares de vignes, est majoritairement associée à des cépages bien connus. Riesling, pinot gris, muscat ou encore sylvaner règnent en maître dans les verres et les esprits. Mais ces cépages ne sont qu'une partie de l'histoire. Avant la standardisation, il existait une richesse variétale incroyable, une mosaïque de cépages adaptés aux microclimats et aux sols multiples de la région.
Certains cépages ont disparu suite aux crises viticoles comme le phylloxéra, les guerres ou encore la montée en puissance de la monoculture. Pourtant, ces cépages anciens portaient en eux des caractéristiques uniques : acidité naturelle exceptionnelle, robustesse aux maladies, arômes insolites. Aujourd’hui, ces atouts séduisent à nouveau les vignerons, notamment dans un contexte où le changement climatique impose d’explorer des solutions pour préserver la diversité viticole.
Ce cépage aux sonorités mystérieuses est une ancienne variété de savagnin rose. Il est cultivé en très petite quantité, particulièrement autour du village de Heiligenstein, au pied du mont Sainte-Odile. Le klevener est souvent confondu avec son cousin, le gewurztraminer, mais il se démarque par sa finesse et sa discrétion aromatique, laissant place à des notes subtiles d’amande, de fruits jaunes et parfois même un soupçon fumé.
Il est exclusivement en Appellation d’Origine Contrôlée (AOC) Alsace et reste une production ultra-confidentielle. Vous le trouverez chez des vignerons engagés, comme la Maison Kuhlmann-Platz ou André Ruhlmann, prêts à partager l’histoire particulière de ce cépage rare.
Souvent éclipsé par le pinot blanc auquel il est généralement assemblé, l’auxerrois gagne lentement mais sûrement ses lettres de noblesse en solo. Originaire de Lorraine, ce cépage s’épanouit en Alsace sur des sols calcaires ou marno-calcaires.
Le vin issu de l’auxerrois se distingue par sa rondeur et ses arômes délicats de pomme mûre, de miel et parfois même de pain frais. Que diriez-vous d’une escapade à Eguisheim, berceau du vin d’Alsace, pour chercher une bouteille qui met ce cépage en avant ? Une adresse à noter : Domaine Bruno Hertz, un expert en la matière.
Traditionnellement associées à la Vallée du Rhône, ces deux cépages se taillent une place discrète mais grandissante en Alsace. Introduits récemment par des vignerons curieux et audacieux, ils expriment des profils étonnamment complexes dans la fraîcheur alsacienne. La roussanne offre des bouquets herbacés et floraux, tandis que la marsanne apporte une structure ample et des notes de fruits à noyau.
Le domaine Bott Frères à Ribeauvillé pourrait être une belle étape pour déguster une cuvée expérimentale mariant la typicité rhodanienne au terroir alsacien.
Moins expressif que les muscats typiques trouvés en Alsace, le muscat ottonel est parfait pour ceux qui préfèrent une version plus légère de ce cépage. Ses arômes de raisin frais, mêlés à des touches subtiles de fleurs blanches, en font un vin délicat, parfait pour un apéritif estival ou une salade de printemps.
Il reste rare mais apprécié des amateurs éclairés. À la fête du vin de Cleebourg, laissez-vous séduire par ce cépage méconnu lors d’une dégustation en plein air.
Ce qui rend ces cépages si fascinants, c’est leur interaction avec le riche éventail de terroirs alsaciens. Entre les sols granitiques des Vosges, les marnes lourdes, et même les argiles, chaque micro-parcelle révèle des facettes uniques des cépages. Mais ce n’est pas tout : le changement climatique pousse également les vignerons à explorer des alternatives aux cépages sensibles aux sécheresses ou à la chaleur excessive.
Un exemple éloquent est celui du klosterneuburger, à qui la chaleur récente confère une maturité parfaite, ou encore le goût renouvelé pour des cépages comme l’auxerrois qui apportent fraîcheur et équilibre. Cette exploration, c’est une ode au patrimoine mais aussi une démarche d’adaptation.
Si ces cépages anciens refont surface, ce n’est pas simplement par nostalgie. Derrière ces projets, il y a une volonté forte de préserver une biodiversité de plus en plus menacée dans les vignobles européens. Ces cépages rares sont souvent plus résistants face aux maladies ou aux températures extrêmes, un avantage certain quand les canicules deviennent plus fréquentes.
L’Alsace joue ici un rôle pilote. De nombreux vignerons collaborent avec des instituts spécialisés pour documenter et planter des cépages oubliés, espérant que ces efforts traceront la voie d’une viticulture durable et riche en diversité.
Vous ne trouverez peut-être pas ces cépages dans les rayons des grandes surfaces, mais c’est bien là tout leur charme. Le plaisir de découvrir un klosterneuburger ou une marsanne alsacienne tient autant à la quête qu’à la dégustation elle-même. L’Alsace, par cette renaissance des cépages oubliés, nous prouve qu’elle sait donner un goût contemporain à son histoire millénaire. Alors, prêts à lever votre verre à ces vins rares et à leur précieux éclat ?